LA
TELE-SERIE FRIENDS. LE POURQUOI DE SA SURVIE
En parallèle avec la progression technologique des
médias, il y eut d’abord le roman-photo,
puis le radio-théâtre, et finalement avec l’avènement de la tv, le soap qui
continue à développer sa carrière dans la telenovela latino-américaine où elle
fait oublier aux gens leurs misères en les invitant à entrer dans le monde des
intrigues des couples riches et beaux, aux relents tragiques.
La série qui a rompu avec cette illusion, en créant
une autre bien sûr, a été « Friends ».
Elle a tendu aux générations des années quatre-vingt-dix un miroir différent,
évocateur d’une réalité beaucoup plus proche des jeunes d’alors, d’une
sentimentalité reconnaissable, où le drame était remplacé par l’humour. Avec le
temps, et les effets-reflexe des lieux communs de l’art comique aidant, la série
a évolué vers une sorte de chef d’oeuvre du slapstick autour de six personnages
dont les caractéristiques ont été absorbés par les spectateurs de plus en plus
nombreux, des Etats-Unis et d’ailleurs, comme autant d’archétypes, auxquels
toute une génération s’est plus ou moins identifiée.
Si les femmes sont émancipées et indépendantes,
toutes de la génération post-libératoire, elles continuent cependant à perpétuer
le cliché de la chasse au Prince Charmant, bagouze au doigt et mariage en blanc
à la clé. Il y a Phoebe, la marginale intégrée, aux saillies opportunes,
naviguant entre hippie ringarde et bcbg dernier cri. Puis il y a Monica, la
perfectionniste, obsédée par le besoin de tout contrôler, ou encore Rachel,
l’opportuniste sexy, convertie peu à peu à la générosité. Côté hommes, nous
voyons à l’œuvre trois galopins déguisés en adultes. Chandler, travaillé par le
doute sur sa sexualité, anxieux de réussite professionnelle, mais surtout de
normalité. Ross c’est le névrosé, fuyant une insécurité générale dans une
culture de surface et un engagement scientifique de pacotille. Le troisième est
Joey, l’acteur caméléon, loser inculte, qui ne s’en fait pas trop. Le seul en
fait qui est à l’écoute des autres. C’est le meilleur de tous, si on le juge
d’après l’éthique qui les relie.
Car si les thèmes principaux sont le sexe sans tabous
et l’amour sans retenue, la série manie un érotisme pauvre. Par contre, la
valeur principale de cette génération, prématurément revenue d’à peu près tout,
c’est bien l’amitié. Aujourd’hui que ces jeunes d’alors ont atteint la trentaine
et la quarantaine, ils sauront probablement distinguer là aussi déjà la part
d’illusion, s’ils sont lucides. C’est précisément cette lucidité en germe dans
la gaudriole des sketches représentées – en fait le vrai message de la série –
qui en garantit la survie. La preuve, ma fille de treize ans est une fan.
Francis
Cromphout
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