Eindredactie: Thierry Deleu
Redactie: Eddy Bonte, Hugo Brutin, Georges de Courmayeur, Francis Cromphout, Jenny Dejager, Peter Deleu, Marleen De Smet, Joris Dewolf, Fernand Florizoone, Guy van Hoof, Joris Iven, Paul van Leeuwenkamp, Monika Macken, Ruud Poppelaars, Hannie Rouweler, Inge de Schuyter, Inge Vancauwenberghe, Jan Van Loy, Dirk Vekemans

Stichtingsdatum: 1 februari 2007


"VERBA VOLANT, SCRIPTA MANENT!"

"Niet-gesubsidieerde auteurs" met soms "grote(ere) kwaliteiten" komen in het literair landschap te weinig aan bod of worden er niet aangezien als volwaardige spelers. Daar zij geen of weinig aandacht krijgen van critici, recensenten en andere scribenten, komen zij ook niet in the picture bij de bibliothecarissen. De Overheid sluit deze auteurs systematisch uit van subsidiëring, aanmoediging en werkbeurzen, omdat zij (nog) niet uitgaven (uitgeven) bij een "grote" uitgeverij, als zodanig erkend.

9 februari 2012


RANONKEL DE JACQUES HAMILINK VAUT LARGEMENT UNE REEDITION
Je me suis mis à relire certains livres qui m’ont marqué dans ma jeunesse. L’un d’entre eux est la formidable épopée  Ranonkel  de Jacques Hamelink, qui date de 1969. Possiblement Hamelink est un écrivain un tantinet trop rapide, trop poussé par la nécessité de son livre à lui, pour être considéré comme l’auteur Néerlandais numéro un du siècle passé, honneur qui revient sans doute à des maîtres comme Hella Haase ou Simon Vestdijk, mais son livre est à mon avis un des récits les plus puissants du vingtième siècle. Un pavé visionnaire qui contient, tel un écrit mythique fondamental, toute l’humanité – ou du moins sa part occidentale – de la préhistoire jusqu’à nos jours en passant par le moyen âge. Il a été conçu à travers des bonds et rebonds de tous genres, du monde intérieur au monde extérieur, du microcosme au macrocosme, d’un passé onirique intemporel au présent le plus cruel. Cela sans jamais vraiment déconcerter le lecteur qui accepte toutes ses possibles incongruités comme des évidences. Un peu comme un thriller psychologique qui lui permettrait de se déchiffrer lui-même et son prochain. La langue est baroque, non plus cette approche d’un perfectionnisme avare et plat sous prétexte d’efficacité, qui caractérise la littérature contemporaine, mais généreuse, ne se retenant devant aucun adjectif, dans la tradition d’un Rabelais ou d’un Cendrars. Un style qui permet de peindre toutes les nuances du comportement du monstre humain (tant dans l’horreur que dans la grandeur). Il est étrange que le livre ne connaisse pas une réédition, ni plusieurs traductions. A notre époque de folies médiocres, sa lecture ferait un grand bien.


Francis Cromphout
AVIGDOR ARIKHA LEVANT LE VOILE SUR LA TERRIBLE BEAUTE




Qui est bien cet homme au geste de défense et au regard rempli d’horreur devant ce qui se présente à lui? Et de quoi aurait-il peur? Ou s’agit-il de stupéfaction devant un dessein inéluctable. Le mort peut-être? Vue comme un destin? Telle qu’il l’a connue peut-être et à laquelle il aurait réchappé à plusieurs reprises durant sa vie ? Cet auto- portrait impactant, intitulé « Ipsius », est une découverte tardive de ma part d’un des peintres les plus honnêtes que nous ait donné l’art contemporain. Il s’agit d’Avigdor Arikha. Et son art, tout comme sa vie, représente le siècle que nous venons de laisser derrière nous, dans ses aspects les plus poignants et aussi les plus tragiques.

Né en 1929 sur le flanc oriental des Carpates, dans une famille roumaine juive, il connut, enfant, toutes les horreurs qu’ont fait subir aux pauvres gens d’alors les idéologies criminelles en vogue (soit nazies, soit communistes). Empilés dans un wagon à bestiaux en Ukraine, en route vers une destination dont son père savait qu’elle ne laisserait vivant personne de sa famille, il poussa sa femme et ses deux enfants d’un talus dans un fossé rempli de neige. La suite serait un itinéraire d’épouvante, dans la boue et la neige, auquel le père, battu à mort dans un autre camp, ne survivrait pas, mais qui laisserait saufs sa femme et ses enfants. « Soyez libres », avaient été les dernières paroles de son père avant de succomber. Message qui ne manquerait pas son effet, malgré que la réalité immédiate ne promît rien de bon en ce sens. A ses 14 ans Avigdor, considéré comme l’un des jeunes les plus vigoureux de son camp, fut mis au travail dans une fonderie. Cependant, pendant les rares moments de repos, le jeune garçon dessina les horreurs du camp avec une sûreté dans les traits qui força l’admiration de son contremaître mais aussi ses craintes : « Enfant, tu joues avec le feu ! »… Celui-ci, tout en détruisant les dessins les plus compromettants, qui évoquaient les brutalités du camp, lui trouva un relieur qui réunit les dessins restants dans une sorte de livre. Ce livre fut récupéré plusieurs années plus tard par les soins d’un congressiste de la Knesset qui les présenta à Avigdor. Horrifié celui-ci s’écria alors: « jetez-les, ils puent ! ». En réalité aucune odeur ne se dégageait de ses dessins, sauf bien sûr ceux du souvenir des cadavres empilés dans les fosses du camp de concentration...

Emu par le talent du jeune garçon, le patron de l’usine s’arrangea pour qu’Avigdor et sa sœur aînée puissent prendre la place d’enfants décédés dans une action de sauvetage à haut risque de la Croix Rouge. Une séparation douloureuse de leur mère en était la condition. Un pénible voyage en bateau sur la Mer Noire vers Istanbul, fut suivi d’un trajet en train qui se termina en Palestine, à cette époque sous mandat britannique. Suivirent alors des années de dur travail dans un kibboutz, alterné d’études, entre autres dans une école d’art, et aussi d’accomplissement de devoirs militaires pour la jeune armée israélienne en conflit avec ses voisins arabes. A l’avènement de la république d’Israël, la guerre israélo-arabe le laissa pour mort, une balle ayant transpercé l’un de ses poumons. Il survit miraculeusement à un long comma, au moment même où on s’apprêta à l’enterrer.

Après la guerre, Avigdor, qui avait suivi les cours de l’Ecole des Arts Bezabel à Jérusalem, obtint un bourse à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts à Paris. Le laisser-aller et l’académisme de l’école le déçut. A Jérusalem il avait reçu une formation qui favorisait la créativité et l’autodiscipline. Il avait été initié à l’abstraction figurative par un ancien disciple de Klee et du Bauhaus et un autre maître, Isidor Ascheim, lui avait révélé le secret de l’artiste authentique: « Pense que tu peux mourir au milieu d’une ligne. C’est pourquoi tu dois la laisser parfaite ». Mais l’ambiance aux aspirations universelles de Paris, les visites de musées, les rencontres d‘âmes sœurs et aussi ses études de Philosophie, effacèrent rapidement la première déception. Il s’initia rapidement à l’art moderne dominant, de Picasso à Soulages et un voyage d’études en Italie le confronta à l’art des fresques de la Renaissance. Il rencontra son épouse Anne, une poétesse américaine. Le jeune couple fut soutenu par Alix de Rothschild qui leur procura leur appartement sur la Place du Port Royal. Il fut l’ami de Alberto Giacometti (qui lui conseilla de laisser l’art abstrait) et surtout de Samuel Beckett avec qui il noua une longue amitié qui se prolongea même jusqu’après la disparition de l’auteur irlandais. Elle fut faite de longue promenades, d’intenses conversations et de pas mal de litres de whisky ingurgités. Beckett acheta de lui le tableau « Noir et blancheur » (encore abstrait, mais d’une émotivité fort grande avec une recherche remarquable de luminosité dans les ténèbres évoquées), qui l’accompagna jusqu’à sa mort au pied de son lit.

En tant que moderniste abstrait Arikha connut assez bien de succès, mais au moment où il commença à percer dans les milieux des galeries et des collectionneurs, il changea de cap. Etait-ce l’influence de son ami Giacometti, ou encore l’intérêt qu’avait suscité l’approche de la réalité de « L’Agneau Mystique » des Frères Van Eyck, ainsi qu’une exposition de Caravage qui lui révéla comment le peintre Italien dans sa manière picturale s’achemina « directement vers le fond des choses » ? Un fait est que Arikha vit que l’approche abstraite, devenue répétitive, réduisant tous ses tableaux comme à un seul, était sans issue pour lui. Il ne rejeta pour autant pas tout ce que le modernisme lui avait apporté : « Mondrian, dit-il, a libéré la peinture de l’anecdote…et créa l’illusion que la mimesis antique avait disparu, mais en refermant cette porte il y laissa la clé… ». C’est celle-là que Arikha (et d’autres encore à la même époque) semble avoir récupérée. Ce fut une lutte acharnée pour s’accaparer la réalité extérieure, allant de pair avec une projection empathique intérieure, à travers plusieurs matériaux, encre, huile, pastel et graphite. L’ami « Sam » (Beckett) parle d’un « siège » devant le dehors imprenable.

Aussi Arikha ne se facilite-t-il pas les choses. Il refuse ainsi tout dessin préparatoire: « le début de l’œuvre est un appel qui demande une réponse immédiate ». Ce qui l’oblige également à terminer chaque tableau dans une session prolongée indéfinie. Beckett dans une de ses formules condensées dont il avait le secret, évoque à ce sujet « the gaze…absolutely aimed ». Arikha part d’un point défini sans savoir vraiment comment l’aventure terminerait. Un processus créatif qui s’achemine vers une révélation. Celle du mystère des choses dont son art soulève, à travers un point de vue inédit, le voile sur sa terrible beauté. Tel que, par exemple, ce jeu de lumière et de reflets, capté dans le studio de l’artiste.
FRANCIS CROMPHOUT

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