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Stichtingsdatum: 1 februari 2007


"VERBA VOLANT, SCRIPTA MANENT!"

"Niet-gesubsidieerde auteurs" met soms "grote(ere) kwaliteiten" komen in het literair landschap te weinig aan bod of worden er niet aangezien als volwaardige spelers. Daar zij geen of weinig aandacht krijgen van critici, recensenten en andere scribenten, komen zij ook niet in the picture bij de bibliothecarissen. De Overheid sluit deze auteurs systematisch uit van subsidiëring, aanmoediging en werkbeurzen, omdat zij (nog) niet uitgaven (uitgeven) bij een "grote" uitgeverij, als zodanig erkend.

3 januari 2011

C’ETAIT PAR UNE NUIT DE MARS EN 1969…
EXTRAIT DU ROMAN LES PLUS BEAUX




"Mai mai mai Paris mai, mai mai mai Paris!". Tout ce temps le chaud vibrato de Nougaro avait résonné dans sa tête. L’heure était grave, les événements héroïques. Sauf que, pour Ernest, ça ne se passait pas à Paris mais à Gand, que ce n’était pas le mois de mai mais celui de mars et que l’occupation de sa fac avait eu lieu un an après la légendaire révolte estudiantine parisienne.

Sa première année à l’unif s’était avérée beaucoup moins dure que prévue. Tranquille même ce mois de mai de l’an passé. Alors qu’à Paris flambaient les voitures, lui s’était contenté de s’asseoir tous les jours sur un banc dans un parc, son activité principale étant de lorgner distraitement les nanas en minijupe, juste compensation pour les innombrables pages polycopiées qu’il devait se taper en vue de ses examens. La méthode paraissait bonne, car il avait passé l’année sans accrocs. Mais la seconde année avait pris un tout autre tour. L’ennuyeux bavardage académique avait été balayé par le vent de la révolte. Ernest qui dans son collège n’avait jamais entendu prononcer le mot « social », fut initié aux pensées de Marx, Marcuse puis de Popper, leur adversaire raisonné.

Lorsque le mouvement commença à déborder et que la fac fut prise, un seul de ses profs avait pris le parti des étudiants révoltés. C’était le prof de philosophie morale. Lorsqu’il apparut le grand auditoire était rempli jusqu’au faîte, non plus de fils à papa qui lançaient des avions en papier pour se désennuyer, mais de gars sérieux (trop sérieux peut-être), malgré les barbes et les tignasses en croissance libre. Ils paraissaient prêts à tout pour changer l’état des choses. Le prof présenta, sous les applaudissements nourris, son projet pour une nouvelle université, à l’image de la nouvelle société, plus équitable, plus libre aussi, dont tous, là présents, envisageaient la réalisation imminente. Ce fut le point de départ d’une occupation des locaux qui dura deux semaines mais ne changea rien – bien sûr - à l’état du monde, pas même de celui, minuscule, qui était constitué d’érudition dans le meilleur des cas et dans les autres – comme Ernest se réaliserait plus tard – de privilèges indus qu’un appui bien calibré fournissait plus d’une fois aux élus du monde académique.

En attendant ces enthousiastes rêveurs se laissèrent entraîner dans la foulée de leurs illusions jusqu’au soir où le doyen de la faculté, en panique, se présenta devant l’auditoire, suppliant les étudiants de plier boutique car...ils étaient là, leur avertit-il avec insistance. Une centaine d’entre eux obtempérèrent, les tièdes, supposa Ernest, ou simplement des curieux, comme lui au départ, qui ne voulaient pas risquer leur peau pour les idées en question. Mais les autres résistèrent. Après l’intervention des plus chevronnés, il fut décidé d’attendre les flics de pied ferme, mais calmement, sans leur donner l’occasion de justifier quelconque violence qu’ils s’apprêteraient à exercer sur eux. C’est ce qui fut communiqué au doyen revenu pour une dernière injonction. Lorsque celui-ci s’en alla, un silence absolu s’installa. Le contraste avec le brouhaha animé qui avait précédé, ne pouvait être plus grand. Plus personne ne prit la parole. L’ambiance était tendue, mais Ernest rayonna. Il se réalisa qu’il était en plein dans l’aventure. Aussi, lorsque les premières figures casquées apparurent aux deux extrémités de l’estrade, il ne paniqua pas, malgré la vague qui glaça un instant l’assistance. Puis de nouvelles figures vêtues de noir et armées de mitraillettes, comme il pouvait l’observer, rejoignirent les premiers et quand il tourna la tête, il vit qu’ils avaient aussi déjà investi les portes d’entrée situées à l’étage supérieur ainsi que le portes latérales au milieu de l’auditoire. Les étudiants étaient pris dans un étau qui se resserra graduellement. Un des meneurs estudiantins leva alors le bras et fit signe aux gendarmes qu’il voulait s’exprimer. Un officier s’avança vers lui et lui dit de dégager les lieux. Le gars lui promit qu’ils n’opposeraient aucune résistance, à condition que les policiers n’usent pas de violence. Pacte conclu et lentement les quelque six cent étudiants qui s’étaient engagés à rester, furent évacués vers l’entrée du bâtiment de la fac, où ils furent tous encerclés par les gendarmes, l’arme levée en leur direction. Ceci en attendant les innombrables paniers à salade qui vinrent les chercher pour les transporter vers la caserne de la gendarmerie située au long d’un canal.

Ce manège dura toute la nuit et quand Ernest fut déposé à son tour dans la cour intérieure de la caserne, en position assise, les mains sur la tête, l’aube était déjà apparue. Il resta toute la matinée dans cette position inconfortable, le temps qu’il fallait pour qu’on fît sa photo et celle des ses six cents compagnons, tant de face que de profil, et qu’on enregistrât ses empreintes digitales. Au moment de le relâcher, Ernest et les quelques gars qui sortirent en même temps que lui, se défoulèrent d’un "mort aux flics! qui leur était resté tout ce temps en travers de la gorge, puis rejoignirent chacun leurs pénates afin d’entamer le premier de leurs lendemains qui désenchantent.

FRANCIS CROMPHOUT

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