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Stichtingsdatum: 1 februari 2007


"VERBA VOLANT, SCRIPTA MANENT!"

"Niet-gesubsidieerde auteurs" met soms "grote(ere) kwaliteiten" komen in het literair landschap te weinig aan bod of worden er niet aangezien als volwaardige spelers. Daar zij geen of weinig aandacht krijgen van critici, recensenten en andere scribenten, komen zij ook niet in the picture bij de bibliothecarissen. De Overheid sluit deze auteurs systematisch uit van subsidiëring, aanmoediging en werkbeurzen, omdat zij (nog) niet uitgaven (uitgeven) bij een "grote" uitgeverij, als zodanig erkend.

8 november 2010

PETITE CHRONIQUE ESPAGNOLE:
UNE FORME DE JOURNALISME INEDIT



"D’Altamira à nos jours", c’était le titre de la série de bouquins d’histoire qu’on nous faisait ruminer pendant nos années scolaires. Pour ce qui est d’Altamira j’ai dû attendre jusqu’à ce jour pour m’y rendre. Il y a quelques 87.000 années des êtres humains au moins aussi intelligents que nous se sont compromis à couvrir le plafonds de ces grottes dans lesquelles ils durent s’introduire en rampant, de dessins de bisons, de chevaux et de cervidés et aussi de mystérieuses formes abstraites appelées claviformes ou tectiformes. Ils les appliquèrent au charbon de bois et les colorièrent de rouille en poudre en profitant avec astuce des fissures et inégalités du rocher, illuminés par Dieu sait quoi - de la moelle incandescente ? - et à quel propos ?... Intrigants étaient les regards appliqués dans les trous et inégalités des parois qui formaient comme un couloir peuplé de témoins – une haie d’honneur (d’horreur) ? – aux ancêtres préhistoriques à qui le spectacle des scènes animales était destiné. Un rituel donc, mais lequel ? De chasse ? Ils ne chassaient guère les bisons – animaux les plus représentés – et le plus remarquable d’entre eux, était le bison en position fœtale englobé tout entier dans de l’excroissance circulaire qui le captait comme un ventre de femme. Image figée d’un long moment de l’histoire que seules les conjectures de notre imagination peuvent encore remettre en mouvement pour ne rebondir qu’à chaque fois contre l’erreur de toute hypothèse.

Pour ce qui est de nos jours, ou du moins l’histoire récente de nos jours, mon dernier séjour en Espagne s’est surtout nourri du livre de Javier Cercas "Anatomia de un instante" qui retrace les faits et surtout aussi, les nombreuses hypothèses qui accompagnent le coup d’état raté du 23 février 1981. Le monde entier a vu alors le colonel de la garde civile Tejero accompagné de quelques acolytes entrer au Congrès des Députés à Madrid pour y immobiliser pendant 16 heures les députés des Cortes espagnols sous la menace des armes. Un livre remarquable sur un événement non moins remarquable dont les tenants et aboutissants n’ont jamais étés vraiment élucidés. Le livre qualifié de fiction par son auteur, relève d’une forme de journalisme assez inédite, que je pourrais appeler "journalisme d’empathie". Partant d’une image à l’arrêt, celle du moment exact de l’irruption des putschistes dans l’hémicycle parlementaire, Cercas, invite ses lecteurs à un tour mental dans l’histoire de chacun des protagonistes principaux de cette ténébreuse affaire qui aurait pu replonger l’Espagne dans les affres de la guerre civile, desquels elle s’était à dures peines affranchie après la mort de Franco. La survie de la jeune démocratie espagnole d’alors n’aura en fait tenu qu’à un fil, l’heureuse décision du roi Juan Carlos, héritier désigné par Franco, de dissuader les généraux – tous franquistes, mais la plupart aussi monarchistes - de soutenir un putsch qui devait avoir leur assentiment, et surtout la lucidité de son secrétaire Sabino Fernandez, à ne pas permettre à son prédécesseur, le général Armada, celui qui de façon lucide s’apprêtait à cueillir lez fruits de ce coup d’état, conçu par beaucoup d’autres encore, de s’approcher du roi. Fernandez put de la sorte convaincre ce dernier à s’engager pleinement dans la voie de la constitutionnalité. Une question de personnes donc dans une situation historique où dominait le mécontentement général – aussi bien chez le roi, qu’à la droite et la gauche du spectre politique et pour des raisons différentes, opposées mêmes – concernant le gouvernement d’Adolfo Suarez. Justement, le ministre-président Suarez, à l’instant figé par l’image télévisuelle, où les balles sifflaient autour de lui et que les parlementaires avaient presque tous plongés derrière leurs sièges dans un reflexe de survivants, lui et son alter égo politique de l’aile opposée, le communiste Santiago Carrillo et aussi le général Gutierrez Mellado, le seul militaire qui, à l’intérieur du gouvernement, avait favorisé le procès de démocratisation entamé par le gouvernement de Suarez, étaient les seuls hommes politiques à s’exposer, prêts donc à risquer leur vie pour la fragile constitution démocratique qu’ils avaient contribué à mettre en place. Cette image à l’arrêt Javier Cercas la remet en mouvement tant de fois qu’il lui est nécessaire pour explorer le curriculum de chacun des individus précités, auquel il faut ajouter le général Milans qui au moment du coup avait sorti les tanks dans le rues de Valence. Cette aventure mentale que son auteur a le mérite de nommer fictive, comme l’est en fait chaque plongée dans les souvenirs, les nôtres aussi bien que ceux des autres, conçue comme un processus en développement, s’avère bien plus révélatrice de vérités (au pluriel oui) que celle, unique et institutionnalisée, qui risque de se retrouver figée dans les bouquins d’histoire des générations à venir.

Francis Cromphout

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