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Stichtingsdatum: 1 februari 2007


"VERBA VOLANT, SCRIPTA MANENT!"

"Niet-gesubsidieerde auteurs" met soms "grote(ere) kwaliteiten" komen in het literair landschap te weinig aan bod of worden er niet aangezien als volwaardige spelers. Daar zij geen of weinig aandacht krijgen van critici, recensenten en andere scribenten, komen zij ook niet in the picture bij de bibliothecarissen. De Overheid sluit deze auteurs systematisch uit van subsidiëring, aanmoediging en werkbeurzen, omdat zij (nog) niet uitgaven (uitgeven) bij een "grote" uitgeverij, als zodanig erkend.

19 april 2010

LA PEUR
COMME METHODE DE GOUVERNEMENT




Je crois qu’il y encore toujours quelque urgence à lire des livres comme celui que je viens de terminer. Il s’agit d’un livre de fiction, totalement nourri de l’histoire récente et de faits biographiques de personnes aussi réelles que Léon Trotski et son assassin Ramon Mercader. Ce livre, El hombre que amaba a los perros, l’auteur cubain Padura commença à l’écrire au moment où le mur de Berlin était sur le point de s’écrouler en 1989. Un voyage au Mexique le confronta à la place forte de Coyoacán où Liev Davidovitch (Trotski), son épouse Natalia Sedova et quelques familiers s’étaient installés. C’était l’étape définitive et fatale d’un long exil, persécuté par son grand ennemi Staline qui, dans sa soif du pouvoir, déployait toute son énergie à se débarrasser d’une grande partie de ses collaborateurs, qu’ils soient concurrents ou témoins, anciens, présents ou à venir, dans ce qui peut être considéré comme la plus féroce tentative de falsification de l’histoire.

La difficulté de l’écriture de ce livre, où la présence écrasante de l’histoire et de toutes les émotions que celle-ci continue à susciter, se traduit dans les dix longues années qu’ont exigées sa rédaction. Dans sa poétique, Padura s’est vraisemblablement inspiré des poupées russes afin d’aligner en couches entrecroisées - au passé, et à la troisième personne - les points-de-vue de la victime (Trotski), son bourreau (Ramon Mercader) et - à la première personne - d’Ivan, l’écrivain cubain en panne d’écriture qui entame en premier le récit et finalement aussi son jeune admirateur Daniel qui permet l’atterrissage en douceur de la structure complexe du livre.

Ce qui relie tous ces personnages, outre leur zèle pour l’écriture et leur manque d’illusions et de perspectives en dehors de celle d’une fin de vie misérable, est la peur. Une peur qui les tenaille et dont ils transmettent la contagion au lecteur tout au long de la lecture de ce livre attachant et pénible en même temps. "De la peur comme méthode de gouvernement", cela pourrait être le titre d’un essai faisant le point des événements narrés dans ce livre. Il y a ceux qui concernent Trotski. Il qui sait que s’il est encore en vie, c’est grâce au fait que cela sert les intérêts du dictateur de Moscou pour qui il est le bouc émissaire de toutes les misères dont souffraient alors les communistes convaincus, aussi bien en Russie qu’en Espagne, où Ramon Mercader se voit enrôlé dans la lutte désespérée des rouges républicains contre les forces franquistes bien équipées et malheureusement appuyées par des alliés autrement plus loyaux que le félon Staline. Lorsque en 1939, avec le pacte Molotov-von Ribbentrop, ses prédictions sur le double jeu Stalinien apparaissant au grand jour et avec celui-ci la division stratégique de l’Europe entre Hitler et Staline, Trotski, sait que, avec l’invasion de l’Ouest de l’Europe par l’armée nazie qui en découle, Staline aura trouvé, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du mouvement communiste, un nouvel ennemi pour justifier ses crimes et que sa vie n’importe plus au stratège cynique qui s’apprête à incarner la résistance au nazisme dans la partie orientale de l’Europe.

La peur c’est la motivation centrale des actes de son assassin. Fils d’un industriel catalan et d’une bourgeoise frustrée qui voit dans l’anticapitalisme le moyen de se venger du machisme sans égards de son mari, il se laisse embrigader dans les services spéciaux de Staline, poussé par la rancune aveugle de sa mère et l’opportunisme dépourvu de tout scrupule de son mentor, un certain Kotov qui changera de nom et d’identité, tout comme lui par la suite, au fur et à mesure des actions qui marqueront sa vie. Ce Ramon Mercader qui, sous le pseudonyme de Jacques Mornard, tuera Léon Trotski d’un coup de piolet, appliqué de sang froid sur son crâne dégarni, sera entraîné au meurtre et à la trahison, à travers un lavage de cerveau continu qui inclura tortures subies et appliquées jusqu’à l’assassinat. Ce scélérat à force de manipulations, ce tueur modelé par les services secrets staliniens, est une victime à son tour. A la haine inculquée, une fois l’acte irrémédiable commis, succédera, dans son cerveau, la cri de douleur de Liev Davidovitch, sa victime qui dans son agonie empêchera qu’il soit abattu comme prévu par les service secrets qui l’employaient. Et la peur restera. Après les années de prison suivra le retour sans gloire en Union Soviétique et l’ultime exil dans l’île castriste où il était censé se faire oublier. Ce qui serait arrivé s’il n’y avait eu là Ivan, cet écrivain frustré, cuvant sa misère morale et matérielle au paradis post-stalinien latin, intrigué par cet homme qui aimait les chiens tout comme lui. Il lui léguera son histoire, ce que ce dernier fera à son tour, avant de mourir écrasé sous sa toiture, avec ce Daniel, avatar de l’auteur cubain.

L’unique personnage sans velléités littéraires, mais véritable pivot de l’action est Staline bien sûr. Pour la plupart de bons communistes, les révélations sur le caractère criminel des agissements du Petit Père des Peuples, tant de fois niées par l’incrédulité à laquelle les conviait leur idéalisme utopique, ont fait s’écrouler leurs idéaux de justice sociale. Avec le recul que nous donne non seulement le contexte historique de déflagration guerrière mondiale où ont eu lieu les atrocités staliniennes, mais aussi et surtout le caractère inéluctable que paraît avoir connu l’évolution des autres états communistes, la Chine de Mao, l’Albanie d’Enver Hoxha, la dictature de Pol Pot et j’en passe, nous ne pouvons éviter de constater que la tyrannie pourrait être inhérente à l’Utopie Communiste elle-même.

Léon Trotski qui, avec Lénine, avait, pour faire triompher l’intérêt supérieur de la Société sans classes, été à l’origine du massacre de Kronstadt en 1921, en a fort bien fait l’analyse par après. C’est que la dictature du prolétariat, principe instauré par Marx et Engels dans leur Manifeste, dans le but d’éviter l’ingérence d’ennemis de classe dans la gestion de la nouvelle société, devait nécessairement mener à ce type de désastre. Lorsque le peuple délègue, sans possibilité de contrôle véritable, son pouvoir à une avant-garde élitiste tel que le parti communiste et que celui-ci fait la même chose en faveur d’un comité central qui, lui, délègue à son tour le pouvoir au secrétaire général, ce dernier reçoit en ses mains un pouvoir qu’il ne peut gérer que dans la peur que, tant d’yeux étant tournés vers lui, on pourrait le lui soustraire, peur qu’il ne peut effectivement conjurer qu’en la projetant à son tour vers les instances qui hiérarchiquement - et en cascade - dépendent de lui. La peur, non seulement, comme nous l’avons signalé ci-dessus, comme méthode de gouvernement, mais comme projection universelle de la paranoïa du grand timonier qui, de tous, était probablement celui qui avait le plus peur. Trotski, toute honte bue, avait compris cela et néanmoins n’abandonna jamais ses idéaux. C’est pourquoi je crois qu’il devait mourir. Il était la véritable concurrence du pouvoir staliniste et non pas la société capitaliste, ni même l’aberration fasciste et raciste à laquelle la dérive dictatoriale de Staline et épigones finit par ressembler.

LE VOILE QUI MONTRE… DU DOIGT

Récemment mon mailbox s’est vu inondé de "faire suivre" calomnieux dénonçant toutes sortes d’excès, voir de crimes commis par des personnes de religion musulmane. Ceci n’est pas sans me rappeler les incitations à la haine qui avaient cours dans les années trente contre la communauté juive. De plus je constate une forte pression pour l’interdiction du voile dans les écoles et les endroits publics. Tout d’abord, de quoi s’agit-il ? Ce voile, en fait n’en est pas un. Strictement parlant, il s’agit d’un foulard que se mettent certaines femmes musulmanes pour affirmer leur appartenance à l’Islam. Il y a quelques années, dans les écoles, ces coutumes vestimentaires étaient fort rares, mais depuis le boucan qu’on a fait autour, de plus en plus de jeunes filles, souvent mêmes peu convaincues au sujet des articles de leur foi religieuse, se montrent enclines à arborer ce symbole comme une affirmation d’identité culturelle. A Anvers le mouvement BOEH (Baas over Eigen Hoofd) revendique cette attitude hostile à l’ingérence. La même réaction provocatrice s’observe au sujet de la bourka en France où on a proposé une loi visant à interdire celle-ci. Il va sans dire que la bourka n’a nullement ma sympathie. Elle n’est d’ailleurs pas un symbole religieux et renvoie surtout à une forme d’oppression de la femme que l’on retrouve dans certains pays orientaux et africains. Ce qui n’empêche pas que cette loi me paraît superflue, vu qu’en fait cette loi existe déjà. Pour peu que je sache, en nos pays occidentaux, sauf le jour de carnaval, il est interdit de se couvrir le visage, car il est fort sagement décrété qu’en tout moment, les citoyens qui se meuvent sur la voie publique, doivent être identifiables.

L’interdiction de ce voile qui n’en est pas un, semble être réclamé au nom de la laïcité dans notre patrie belge. Mais en fait est-elle vraiment réclamée ? Un sondage du "Soir" révèle que seulement 13% de la population aurait des problèmes avec le couvre-chef en question. Mais bien sûr dans la constellation politique actuelle où tous les partis se sont amincis à des dimensions liliputiennes, 13% pourrait être justement le réservoir électoral dans lequel puiser pour gagner un peu d’embonpoint pour les élections suivantes. Et pour le fond, rappelons que la Belgique, contrairement à la France, n’est pas vraiment un pays laïc. A la suite d’un concordat historique, visant le maintien de certains privilèges de l’Eglise catholique et ses séquelles qui, sous prétexte de la liberté du culte, ont admis d’autres religions dans le club des privilégiés, la Belgique s’est de fait convertie au pluralisme en matière religieuse. A moins de changer la constitution, je crois qu’il serait difficile de trouver une base légale pour ces sortes d’interdictions. De plus, gonfler cette affaire à des dimensions de cet acabit-là me semble peu opportun.

Ceci étant dit, je ne nie pas qu’il y ait des problèmes. Oui il faut surveiller la montée du fanatisme dans certains milieux noyautés par l’étranger. Il faut combattre les excès et les injustices, particulièrement si elles frappent les enfants et les femmes. Mais cela, non pas avec des préjugés, mais en utilisant toute la force de la loi qui, en nos contrées, garantit les droits fondamentaux, particulièrement ceux des femmes.

Et au lieu de s’acharner contre quelques mignonnes tentées par la provocation, il faut s’attaquer aux véritables causes du problème, qui sont la pauvreté structurelle, l’exploitation et surtout l’inégalité de chances pour certains segments de la population immigrée. A ce sujet j’ai entendu des propositions intéressantes, visant une meilleure intégration en stimulant les familles en question à envoyer leurs petits enfants à la crèche, ce qui leur éviterait déjà le retard scolaire pour raisons linguistiques. Ici encore et de nouveau vaut l’adage de Victor Hugo : "Ouvrez les écoles et cous fermerez les prisons". Celles-ci, à ce qu’on m’a dit, seraient archi-pleines et constituées en partie majeure des fruits d’une politique de laisser-aller social qui a bien trop duré.

Depuis lors, fort sagement, le Conseil d’Etat a fait annuler l’interdiction du port du voile dans les écoles et a renvoyé le thème au Conseil constitutionnel qui est, en droit, le seul à pouvoir statuer sur l’affaire. Mais entre-temps le mal a été fait et il faudra vivre avec ce que les anglais nomment les dommages collatéraux d’une précipitation peu avisée.


FRANCIS CROMPHOUT

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